Derrière les morts du Mediator, des soupçons de collusion

Le Mediator, un médicament pour diabétiques en surpoids produit par les laboratoires Servier et interdit depuis novembre 2009, aurait causé entre 500 et 1 000 morts, selon l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps). Mardi, cette agence a recommandé aux personnes ayant suivi un traitement à base de Mediator pendant plus de trois mois de consulter leur médecin. Mardi après-midi, Xavier Bertrand a appelé "tous ceux qui ont pris du Mediator" à "consulter un médecin". L'avocat de plusieurs victimes évoque un "scandale sanitaire", alors que des connaisseurs du dossier dénoncent une interdiction trop tardive du médicament et le rôle joué par l'Afssaps elle-même.

Qu'est-ce que le Mediator ?

 Le Mediator est un médicament réservé à l'origine aux diabétiques en surpoids. Son effet coupe-faim en a peu à peu fait l'un des médicaments les plus prescrits aux patients souhaitant maigrir. La molécule benfluorex, qui fait partie de la famille des fenfluramines et rentre dans la composition du Mediator, appartient à une famille cousine des amphétamines.

Le médicament est commercialisé depuis 1976 par le groupe Servier — deuxième groupe pharmaceutique français après Sanofi-Aventis. Il a longtemps été l'un des produits phare du laboratoire : 88 % des ventes mondiales ont été réalisées en France (en 2007, il était le 44e médicament le plus vendu dans l'Hexagone) ; deux millions de patients français en ont pris entre 1976 et 2009, selon les chiffres du député socialiste Gérard Bapt qui a travaillé sur le sujet ; 7 millions de boîtes étaient encore vendues en 2009 et remboursées par l'assurance-maladie à hauteur de 65 %. Selon les estimations de M. Bapt, qui a travaillé sur le sujet, ce médicament aura généré un chiffre d'affaires de 1 milliard d'euros pour le groupe Servier.

Quels effets néfastes sur la santé ont été observés ?

En un peu plus de trente ans, entre 500 et 1 000 personnes seraient mortes des pathologies liées à la prise du médicament : ces données proviennent d'une estimation de la Caisse nationale d'assurance maladie (CNAM) et ont été relayées par l'Afssaps. Selon la même source, les effets secondaires du Mediator sont graves — maladies des valves cardiaques ainsi que des cas rares d'hypertension pulmonaire. Ils perdurent au-delà de la période de prise du médicament et entre 150 et 250 hospitalisations seraient directement liées à une toxicité du Mediator chaque année en France. Pour l'avocat Charles Joseph-Oudin, qui représente douze victimes qui ont décidé d'attaquer le laboratoire Servier, ces chiffres confirment l'existence d'un "scandale sanitaire majeur".

Quand a-t-on découvert le danger ?

En 1997, le New England Journal of Medicine publie un article détaillant les effets nocifs du dexfenfluramine sur les valves cardiaques. La même année, les fenfluramines — dont le célèbre coupe-faim Isoméride, également vendu par Servier — sont interdites aux Etats-Unis et en Europe. Le Mediator, qui n'est commercialisé qu'en Europe, échappe à l'interdiction, alors même que sa parenté avec les coupe-faim interdits est connue.

Le médicament est finalement retiré du marché français le 30 novembre 2009 par l'Afssaps, et la décision définitive d'interdiction prise le 14 juin 2010 par l'Agence européenne du médicament. L'interdiction fait notamment suite aux travaux menés à partir de 2006 par le docteur Irène Frachon qui mettent en évidence le rôle du Mediator dans les valvulopathies diagnostiquées chez les patients utilisant le médicament. Cette pneumologue au CHRU de Brest a raconté dans un livre — Mediator 150 mg

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